Les avions JUNKERS
Pour concevoir un historique, il y va des machines comme des hommes ou des faits. Mémoire du concepteur et différentes sources auxquelles il a fait appel doivent être minutieusement recoupées.
Malgré cette précaution, il se peut que demeurent des inexactitudes ou des omissions. Le lecteur qui les relèvera voudra bien en excuser l’auteur et les lui signaler.
ANCETRES ET SUCCESSEURS DU Ju 52
La firme Junkers (et non Junker) a été fondée en 1895 par Hugo Junkers à Dessau. Elle produisait à l’origine différentes inventions du fondateur, tel le réchaud à gaz.
Elle fut parfois son propre motoriste des appareils qu’elle construisait.
En 1915, Junkers développe le premier avion totalement métallique, le Junkers J 1
De 1915 à 1945, du Ju 1 au Ju 488, bombardier lourd qui n’a pas dépassé le stade du prototype, les usines Junkers auront construit 22 types d’avions.
L’Histoire ne retiendra, comme avions légendaires que le Ju 87 « Stuka », le Ju 88 Bombardier léger et chasseur de nuit, et le Ju 52.
Junkers 488
LE JUNKERS 52
La première version, du Ju 52 sortie en 1930, était un …..monomoteur motorisé par un Junkers L-8 de 800 CV
En 1932, après une année d’essai, le premier Ju 52 3 M . ( 3 M pour « trimoteur ») est livré à la Compagnie Lufthansa.
Rapidement, la Luftwaffe passe commande d’une série de Ju 52 « militaire », en trois versions : bombardier, transporteur, avion de parachutage.
Le Ju 52 3 M militaire recevra son baptême du feu pendant la guerre d’Espagne.
A la fin de la guerre de 1939/1945, environ 5000 Ju 52 3 M « militaires » auront été construits depuis le premier exemplaire de série.
Ses caractéristiques étaient les suivantes
Longueur = 18,90 m – Envergure = 29,19 m – Hauteur = 4,52 m – Poids à vide = 6500 kg
Vi maxi = 295 km/h – Rayon d’action 1290 km – Plafond théorique 5490 m ( ! ! )
Armement = 1 canon MG 131 de 13 mm en tourelle dorsale – 2 mitrailleuses MG 15 de 7,5 mm en sabords (dernières fenêtres AR de la soute)
8 passagers ou 17 parachutistes équipés ou l’équivalent en fret.
Equipage à 2 : pilote et co-pilote
Motorisation 3 BMW 132 T à 9 cylindres en étoile de 830 CV chacun, licence Pratt et Whitney « Hornet ».
Pendant l’occupation, la fabrication des Ju 52 3M en France a débuté en 1942 dans les Usines de la Société d’Etudes et de Construction Métalliques Amiot (SCEM Amiot), à Colombes.
En 1944, la production était répartie entre la SCEM Amiot , la Société Nationale de Constructions Aéronautiques du Sud-Ouest (SNCASO) à Suresne et à Courbevoie, et les Usines Bréguet à Villacoublay.
Le Junkers Ju 52 reconstitué par EADS au sein de l’Association de Salis est une version luxueuse du Ju 52 militaire Allemand sans armement.
Son aménagement et son équipement, en particulier radio, n’ont absolument rien à voir avec ceux des avions qui étaient en service dans l’Armée de l’Air Française.
LE JUNKERS 52 DANS L’ARMEE DE L’AIR FRANCAISE
Nous l’appelions simplement « le Ju » ou « la Julie ». Le surnom « Tante Ju » était celui que lui avaient donné les équipages de la Luftwaffe.
A la libération, les Usines d’Aéronautique « ayant travaillé pour les Allemands » sont nationalisées.
La SECM Amiot devient « ATELIERS AERONAUTIQUES DE COLOMBES », AAC, et le Gouvernement Provisoire de la République Française – dont le Ministre de l’Air est Charles Tillon – ordonne la continuation de la production du Junkers Ju 52 sous l’appellation AAC 1 « Toucan ».
La SNECMA fut chargée de la fabrication sous licence des moteurs BMW 132 Z (eux-mêmes, comme on l’a vu plus haut licence Pratt et Whitney ). Et Ratier des hélices.
L’équipage était de quatre. Pilote à gauche, navigateur à droite, mécanicien entre les deux sur un siège relevable, radio dans la soute, contre la cloison avant côté droit. A droite du radio, s’ouvrait dans la carlingue une petite porte avec fenêtre qui donnait sur le plan gauche. Sa présence a sauvé quelques vies…La convoyeuse, quand il y en avait une, se plaçait…où elle pouvait.
L’AAC 1 se distinguait du Ju 52 de fabrication allemande en particulier extérieurement par les dimensions des roues. Les roues de fabrication Junkers, HKE Cannstadt, étaient étroites avec un diamètre de 1300 mm avec des garnitures de freins actionnées par des pistons pneumatiques, alors que l’AAC 1 possédait des roues plus larges, mais de diamètre de 1083 mm et les garnitures de freins actionnées par des vessies. Pour le moment, aucune source n’a pu être trouvée sur le fabricant de ces roues et la raison de leurs dimensions différentes. Certains parlent de stock de roues de LeO 45 ? Possible.
Tout ce que les pilotes ont pu constater, c’est qu’avec ces roues, donc ces freins, l’avion ralentissait seulement, alors qu’avec les roues allemandes on pouvait presque parler de freinage.
Certaines unités avaient été dotées en partie de « Ju » d’origine allemande, récupérés. Ceux-ci, en plus des caractéristiques du train d’atterrissage citées supra, avaient un « serial number » à 4 chiffres, contre 3 pour les AAC1. Le GT 2/61 « Maine » avait même hérité à une époque du Ju 52 N° 1001, avion personnel de Goëring.
Selon certaines sources dignes de toutes confiance cet avion aurait même fait, par la suite, les délices des équipages du GSRA 76 « Oasis » à Ouargla.
La « Julie », devenue légendaire au même titre que le B 17, C 47, Heinkell 111, « Spitfire » ou autre « warbird » de la Deuxième Guerre Mondiale, malgré sa lenteur et ses équipements à vrai dire vétustes, va être le fer de lance du Transport Aérien Militaire. La majorité des Groupes va en être équipé, et il va trouver sa place également comme avion de service ou de liaison dans des Ecoles ou même certaines Escadres de Chasse. Et naturellement au CIET.
L’Aéronautique Navale en équipera plusieurs de ses Flottilles.
Il aura l’honneur, à la création du GMMTA, en Mai 1945, de participer sous les couleurs du GT « Maine » basé au Bourget, au rapatriement des déportés et prisonniers d’ Allemagne, en compagnie de l’ « Anjou » avec ses C 47 et du « Poitou » avec ses UC 45, eux-mêmes basés à Lyon-Bron.
Il sera présent sur tous les théâtres d’opérations : Indochine, Madagascar, Afrique du Nord, où il rendra d’immenses services grâce à sa robustesse, ses qualité d’adaptation aux conditions climatiques…et à sa lenteur et ses exigences modestes quant à la qualité et la longueur des pistes.
Ju 52 en vol de groupe au CIET – Photo Pierre Mayet – 1952
On ne compte plus le nombre de missions humanitaires qu’il a accompli, ni les heures de « lignes » de la métropole vers l’AFN ou l’Afrique Noire, ou de lignes à l’intérieur de ces territoires
Il sera moins glorieux lors du pont aérien de Berlin de 1948, où l’un d’eux, sèmera une pagaille mémorable dans la noria des avions engagés. Ce qui vaudra au trois « Ju » du « Maine »un licenciement sans prime …et son remplacement par des C 47 du « Touraine ». Mais ceci est une anecdote entre autres, car il me souvient que l’approche pour un atterrissage à Londres n’était pas non plus de tout repos…pour les contrôleurs au sol !
Dans tous les cieux et sur tous les terrains de ce qui était alors l’Empire Français, on verra cette bonne « Julie » opérer sans relâche, transportant, parachutant, bombardant. Robuste et infatigable, c’est à ses commandes qu’un grand nombre de pilotes de l’époque ont fait leurs premières armes de Transporteurs.
Son remplacement progressif par le « Dakota » sera apprécié des équipages, mais avec une petite pointe de nostalgie pour ce vieux serviteur fidèle…et les instants quelques fois folkloriques passés à bord ou sur les terrains.
Pierre MAYET – 2007
Sources : – Sites internet – « Le Fana de l’Aviation » – Documentation et mémoire d’anciens – Documentation et mémoire de l’auteur
Annexe – Lettre adressée en 2005 à la Rédaction du « Fana de l’Aviation »
Une Anecdote parmi d’autres.
Pour illustrer votre propos sur le peu d’efficacité des freins du aux roues différentes du modèle allemand, je vous joins une photo prise à Tunis El Aouina (aéroport mixte précédant et jouxtant l’actuel de Tunis Carthage) le 3 septembre 1956 à midi.
Le bâtiment est le PC de la base, et si les volets sont baissés c’est à cause de la chaleur.
L’avion est le Toucan type AAC1 n° 087.
L’unité était le GSRA76 implanté à TUNIS avant de migrer vers OURGLA.
J’étais à l’époque jeune radio navigant arrivant de l’école de Fès où cet avion était le support essentiel de la formation des radios.
Nous revenions d’un vol d’essai local. Le pilote était « à cheval sur les freins », et le roulage au sol s’est terminé dans le bureau.
Remarquez le nez de l’appareil encastré dans l’angle du bâtiment.
Il n’y a eu aucun blessé, seul des dégâts matériels à l’avion et au PC.
Dure prise de contact avec la réalité !!
Lionel MARTIN