LES PREMIERS NORD 2501 DU TRANSPORT AERIEN MILITAIRE
GT 2/64 « Anjou » - Indochine 1954-1955

Préambule – C’est  en puisant dans mes notes, quelques documents, mon carnet de vols et de ce qui me  reste de confirmé en mémoire,  que j’ai rédigé ces quelques lignes. Elles n’ont pas la prétention, bien sur,  de concurrencer tout ce qui a pu être écrit et édité sur cet avion.

Simplement, j’ai voulu résumer les premiers pas – si j’ose m’exprimer ainsi –  du « Nord »  en Unité du TAM, ci devant GMMTA, vus de ma lucarne. (Oui, le « Nord » c’était son nom de baptême, « La Grise », ce fut pour plus tard…)

Les camarades de ce temps béni qui relèveraient des inexactitudes dans ma prose, seraient bien avisés de me le signaler, même en me tirant dessus, puisque « Anjou »…feu !!

C’est le GT 2/64 « Anjou », alors stationné en Indochine sur la Base de Tan Son Nhùt, qui  perçoit les premiers « Noratlas » opérationnels du GMMTA.

Jusqu’ici en « subsistance mécanique » au « Poitou », à Bricy, Groupe qui patronne également la transformation des équipages sur ce type d’appareil, les trois premiers « Noratlas » arrivent en Indochine le 29 Mai 1954. Leader, Capitaine Lapointe, celui là même qui a été mon instructeur à Orléans, et qui m’a vraiment appris le « Nord ». Dur, dur…

J’ai eu la joie…et l’honneur, de faire partie du contingent des huit premiers pilotes transformés, de convoyer le N° 12 à l’ « Anjou » (2 ème détachement dans l’ordre chronologique des départs de France – 13 au 19 Juin 1954 – 42 heures de vol)…et d’y rester…

C’est ainsi que je fus « LE » sous-officier pilote de Nord 2501 du Groupe en Indochine (1).

En effet, il faut savoir que, si la majorité des pilotes, officiers, les mécaniciens et une partie des radios et des navigateurs étaient destinée d’emblée au départ de France à l’ « Anjou » , plusieurs l’étaient pas et seront répartis dans les autres Groupes du S/GMMTA.

Les premiers « Nord » en dotation au Groupe sont motorisés en Bristol Hercules 759 d’origine, importés, avec des d’Hélices Rotol également d’origine.

L’arrête dorsale est courte, les glaces du poste coulissantes, le tableau de bord et les instruments  identiques à celui du C 47, l’équipement radio VHF, MF et HF également (pas d’UHF) …, le totalisateur d’estime Anglais et du type de ceux installés à bord des « Halifax » et autres « Lancaster » de la RAF.

Il n’y a pas de boîtier Alkan. Le largage lourd se fait au klaxon et au « vert » comme pour les sticks de parachutistes, et l’arrimage des charges sur les chemins de roulement est beaucoup moins sophistiqué qu’il ne le sera par la suite. Ce qui donne l’occasion d’avoir la dernière des trois palettes d’une tonne de barbelés coincée en travers de l’ouverture arrière de la soute vers la fin de l’opération. Heureusement le pilote, très surpris, est jeune (et beau…), et suffisamment musclé pour rétablir rapidement l’assiette de l’avion…

Les accumulateurs sont du type plomb-acide, et un petit générateur auxiliaire à essence est installé contre la cloison droite de ce qui constitue en quelque sorte l’ « entrée » de l’avion, face à la porte équipage.

Son utilisation est obligatoire pour le démarrage des bouilleurs qui sont équipés de démarreurs en prise directe, au contraire de nos C 47 et de leurs démarreurs à inertie.

Ce « pouet’ » est à échappement libre, évidemment vers l’extérieur de la carlingue, ce qui permet à pratiquement toute la Base de Tan Son Nhùt de profiter des mises en route sur les coups de 2 h ou 3 h du matin pour cause de missions, le bruit produit  par cet engin en marche étant particulièrement strident.

Pour ce qui est des modifications apportées par la suite – motorisation sous licence – hélices Bréguet/Ratier sous licence – avionique, radio, instruments de bord et radio MF-HFJaeger, batteries Ni-Cd , etc.. – ni les anciens mécaniciens que j’ai pu contacter parce que les plus compétents en la matière et dotés généralement d’une mémoire d’éléphant -, ni moi ne pouvons préciser si nous avons reçu en Indochine des appareils avec toutes ou partie de ces modifications.(dernier reçu , le N°32 FRBKZ).

A bien y réfléchir en faisant appel à ma mémoire visuelle, je ne pense pas.

Part contre, les arêtes dorsales allongées et les glaces latérales des places pilotes look « Deudeuch » ne sont bien apparues qu’à partir du N°80 (première affectation : ET 1/62 FRAXU le 28/10/1955)

Les « Noratlas » seront peu engagés  en opérations.

En effet, leur arrivée, postérieure à la chute de Dien Bien Phù, est échelonnée sur plusieurs semaines, et les équipages de l’ « Anjou » déjà sur place ne sont que très progressivement transformés.

Et pour cause. Les opérations continuent et l’effectif PN confirmé sur C-47, loin d’être pléthorique, ne peut être distrait des missions de guerre, prioritaires. A tel point que l’auteur de ces propos,  nanti d’un respectable bagage en heures de ce fidèle serviteur, est envoyé en détachement à Bach Maï pour un mois avec l’un d’eux, dans la semaine qui a suivi son installation à Tan Son Nhùt.

 (Ici, une précision : comme sur C-47, un équipage de Nord 2501, en Indochine  ne comptait qu’un seul pilote, sauf en place d’ailier N°3 en formation en « V » ou box de 4, le pilote « en fonction » étant celui de droite, et en séances d’instruction, évidemment)

C’est après l’armistice que le Nord 2501 a pu donner sa pleine mesure en Indochine.

En particulier lors de l’Opération « Cognac » dont le thème était l’évacuation des populations civiles du Tonkin qui se refusaient à bénéficier des bontés de l’Oncle Ho.

Opération humanitaire dont on trouvera le récit dans maints témoignages, à peu près tout ce qui pouvait transporter des passagers, GMMTA, Aéronavale, Compagnies Civiles, ayant été mobilisé.

Sur un autre plan, le « Noratlas » – grâce à son volume de soute, sa charge utile offerte, et sa facilité de chargement – s’est avéré  précieux lors du déménagement de nos bases du Tonkin.

Sans lui, une grande partie des matériels rapatriés sur Tourane ou Saïgon auraient dû être abandonnée.

Nous avons même effectué des rapatriements sur le Tonkin de prisonniers Viets (les « PIM ») lesquels, après avoir été blessés ou malades et bien soignés, étaient en convalescence au Cap Saint-Jacques ou qui étaient détenus dans quelques autres villégiatures du Sud…Ils étaient resplendissants de santé et superbement vêtus…

En septembre 1954, le dernier C-47 de l’ « Anjou » quittait le Groupe pour l’AIA de Bien Hoa.

La dotation complète en Nord 2501 était achevée depuis plusieurs semaines. (2)

                                                                                                                                                                                   Pierre Mayet

(1) C’est ainsi que débute mon deuxième séjour à l’ « Anjou »

(2) Numéros 8-10-11-12-13-14-15-16-17-20-22-23-24-25-26-27-30-32